L’article original sur le site Erhart
Publié le : 11/10/2018
Ne plus savoir viser le centre de la cible est une situation plutôt embarrassante pour un archer !
Décocher de façon intempestive lorsque votre viseur s’approche du milieu du blason l’est tout autant. Ne plus être capable d’armer votre arc traditionnel à pleine allonge, ou encore avoir le doigt « gelé » sur la détente du décocheur sans pouvoir appuyer alors que votre visée est optimale sont d’autres symptômes et manifestations de ce mal sournois que nos amis d’outre atlantique ont appelé « Target Panic ». Déjà dans les années 1980, Jacques Cadet l’appelait « maladie de la carte » dans son bouquin fédéral destiné aux entraineurs de club FFTA.
Le sujet Target Panic concerne énormément de tireurs à l’arc (chasseurs ou compétiteurs). Certains en prennent conscience et en guérissent tandis que d’autres l’occultent et souffrent en silence jusqu’à ranger l’arc dans le râtelier en espérant le ressortir un jour,….après l’avoir oublié. Trop souvent, le problème ressort du placard avec l’arc, le réconfort du malheureux viendra par l’abandon définitif du tir à l’arc, quel dommage !
Ce phénomène majeur concerne autant les archers à poulies utilisant un décocheur, que les tireurs à l’arc traditionnel. Il se traduit par une anticipation de la décoche. Je m’explique :
ETAT DES LIEUX :
Les tireurs à l’arc à poulies débutants décochent généralement en appuyant progressivement sur la détente de leur décocheur. Cette méthode de tir « par décision » est satisfaisante pour assurer une zone de précision certaine, mais elle risque progressivement de se dégrader au fur et à mesure de vos exigences. La décision d’appuyer finement sur la détente du décocheur tout en gardant le pin du viseur sur le X vous exposera inévitablement à « poinçonner » la détente lorsque la visée est acquise afin d’anticiper le déplacement du viseur avant l’instant T.
Outre le fait que cette méthode nuit à votre précision, elle aura la fâcheuse tendance à précipiter la décoche au point de ne plus vous laisser le plaisir de faire flotter le pin du viseur sur le X avec le doigt sur la détente.
Une autre manifestation de « target panic » pour l’archer à poulies est de ne pas savoir prendre la décision de déclencher par anxiété de mal faire. Le cerveau ne sait plus donner l’ordre de décoche.
Cette atteinte psychologique est particulièrement difficile à surmonter (j’en ai fait l’expérience). Les tirs deviennent imprécis, les résultats de plus en plus aléatoires et les sensations clairement désagréables jusqu’à ne plus savoir (ou vouloir) tirer à l’arc.
L’imminence d’objectifs à plus ou moins court terme comme le début d’une compétition ou de la saison de chasse qui se profile ne fait qu’amplifier le mal-être.
J’ai noté, au travers de mes rencontres et des nombreuses discussions que le statut d’ « archer référant » (responsable de club, entraîneur, archers de haut niveau) peut également nourrir le « petit monstre – Target Panic » qui sommeille dans l’inconscient de chacun. En effet, le public admiratif des résultats de son professeur de tir à l’arc favorise l’obligation de résultat qui prime sur le plaisir pur de décocher ses flèches les unes après les autres. Cela conduit à ce qui favorise la naissance de la « Target Panic » : la pression du résultat.
PRENDRE CONSCIENCE DE LA SITUATION, L’ACCEPTER, ET NE PAS HÉSITER À EN PARLER :
Levi Morgan, archer professionnel, explique dans sa chronique mensuelle de l’excellent magazine « Petersen Bowhunter » comment vous dépister :
Armez votre arc, et visez le centre de la cible avec votre index (ou pouce selon votre décocheur) sur la détente. Si vous ne ressentez pas l’envie irrésistible d’appuyer, alors vous n’êtes sans doute pas « target-paniqué ». Si en revanche vous sentez des tressaillements ou si vous décochez sans le décider, vous pouvez lire la suite :
Etre atteint de « Target Panic » n’est pas honteux. L’accepter vous aidera à entreprendre les travaux curatifs. Le plus efficace de tous est le tir par surprise.
LE TIR PAR SURPRISE
Une décoche « surprise » revient à surprendre votre décision et par-delà votre hémisphère du cerveau gérant votre bras d’arc. Faites un petit test assez facile : vous armez votre arc et prenez votre aise en visée. Demandez alors à une personne de votre entourage de déclencher le tir par surprise à votre place en appuyant sur la détente de votre décocheur. Le résultat est immédiat : vous êtes surpris par la décoche et la flèche sera précisément au milieu de la cible à l’endroit précis où vous visiez !
C’est cette sensation de tir que vous allez essayer de vous approprier. Le tir par surprise est une parade incontestable à la target panic. C’est LA VOIE vers la rémission et les bons résultats.
On peut trouver la sensation un peu désagréable lors des premières décoches qu’il conviendra de faire à courte distance. L’impression paradoxale de manque de contrôle sera très vite oubliée, surtout pour un archer qui ne maitrisait plus sa décision de décoche.
Il existe plusieurs approches pour le tir à l’arc à poulies par surprise :
- Le décocheur « Back tension » : Il se déclenche par rotation ou par la tension réelle (Carter Evolution+). Cette solution est probablement la meilleure pour les archers pratiquant les tournois en salle ou en extérieur par temps calme. L’usage d’un décocheur Back Tension est en revanche plus difficile lorsque vous tirerez un jour de vent. C’est une des raisons pour laquelle les fabricants proposent souvent un décocheur à détente classique de forme proche. L’archer pourra ainsi passer de l’un à l’autre sans changer ses repères.
- Le décocheur curatif de type Trufire Panic X sur lequel la détente est réglable en 2 positions. L’une est standard, tandis que la course de l’autre position est exagérément longue. L’index va naviguer dans une zone de course molle sans décocher jusqu’à la surprise.
- On peut également tirer par surprise avec un décocheur standard pour peu que le réglage de celui-ci soit adapté à vos attentes. J’aime pour ma part un réglage de la détente relativement dur mais sans aucune course. Mon décocheur personnel est un Like Mike de chez Carter. Je pose mon index de façon très ferme sur la détente pendant ma phase de visée. Je laisse ainsi mon pin de viseur flotter sur la cible alors que je transfère la force de mon bras vers le dos. En serrant mes épaules avec une tension constante sur la détente du décocheur je vais provoquer la décoche par traction et non par décision. Je me mets ainsi à l’abri de la tentation de décocher lorsque mon pin est au centre de la cible me laissant surprendre par chaque décoche à l’entraînement. Mon entrainement spécifique et méthodique me permet de me sentir à l’aise en toutes circonstances, même si je dois déclencher un tir en action de chasse.
FAITES-VOUS PLAISIR
La « Target Panic » survient souvent lors d’une période de bons résultats. Chaque flèche touche au but, un dix ou un spot, est normal, vous êtes un champion, ou au moins vous aspirez à le devenir. Tout va bien dans le meilleur des mondes ! Le parfait est devenu la norme. Une flèche à peine moins bonne devient un échec.
Il n’y a plus d’autres bons résultats qu’une série de flèches « normales », c’est-à-dire parfaites, 2 ou 3 échecs ruineraient le résultat d’une compétition. Le tireur s’expose à un stress important, il vit avec anxiété la succession de flèches réussies et le risque de mal faire.
Où est passé le plaisir de la pratique du tir à l’arc dans cette drôle d’affaire ? La sensation de sérénité ressentie à nos débuts, flèche après flèche. Cette sensation devenue difficilement palpable qu’on ressent en regardant sa flèche voler vers la cible. Juste la sensation, pas le résultat.
Pour la retrouver, Il faut savoir isoler chaque flèche afin de ne plus globaliser son entraînement, et savoir reprendre du plaisir à chaque flèche. D’abord par la sensation que procure la décoche libre. La magie d’envoyer une flèche si rapide vers la cible, puis bien plus tard, le résultat d’une flèche réussie, ne plus globaliser !
TIREZ FACILE
- Il ne faut pas se mettre en situation d’échec. Il vous faut réduire les distances et tirer sur des objectifs surdimensionnés :
- D’abord tirez une longue série de flèche sur une cible sans blasons. Pour le plaisir du geste en favorisant le tir par surprise.
- Tirez à courte distance sur un grand visuel.
- Augmentez votre distance de tir petit à petit.
- Lorsque vous vous sentirez à l’aise à la bonne distance diminuez progressivement votre visuel. (Utilisez plusieurs visuels sur la même cible pour pouvoir passer de l’un à l’autre en fonction de votre confiance).
- Tirez les yeux fermés pour retrouver les sensations d’un tir tenu. Marquez votre ancrage sur une cible sans visuel, puis sur un gros visuel. Au moindre échec, reculez d’un cran et revenez à l’exercice précédant à la recherche du plaisir.
- N’hésitez pas à demander à un tiers d’appuyer sur la détente à votre place si vous avez perdu la sensation.
- Utilisez un décocheur « back tension » dépourvu de détente afin de favoriser la décoche par surprise qui vous libère de la pression. Il faut commencer à très courtes distances, puis s’éloigner au fur et à mesure de votre confiance